SHOOTING DU MAGAZINE MADAME FIGARO


2016 - En exclusivité pour Madame Figaro, Lætitia Casta s’est glissée dans la peau de Kim Basinger dans 9 semaines 1/2. Troublant et sensuel.

Photographies : Cédric Bihr pour Madame Figaro

Sa beauté insolente et sa personnalité hors norme nous ont inspiré une séance photo à la manière de 9 semaines 1/2. Sensuellissime, l’égérie du parfum L’Extase de Nina Ricci, qui a présenté au Festival de Cannes son premier court-métrage, En moi, s’est montrée plus réservée face à l’écrivain Claire Castillon. Action !

Dans 9 semaines 1/2, un couple idéal, jeune, propre, et pas pervers pour un sou, goûtait aux délices des yeux bandés et aux joies des glaçons dans le cou. En principe, le film parlait du plaisir qu’éprouve une femme à être dominée. En 1986, Lætitia Casta avait 8 ans, et l’icône Kim Basinger aux blondes ondulations, à la bouche aussi pulpeuse que fraîche, s’imposait comme un modèle de strip-tease, le sein aiguisé sous sa chemise blanche, tandis que Mickey Rourke, nasty et envoûtant, l’entraînait dans des jeux sexuels qui la changeaient de l’ordinaire. Ils n’empêchaient pas la romance. Je crois même que les étourneaux couraient dans des flaques et faisaient s’envoler des pigeons. Ou des ballons. Mais entre deux fous rires, Kim Basinger et son innocente beauté se laissaient embarquer et en prenaient pour leur compte. Quel feu s’est embrasé dans la tête de Lætitia Casta, icône de 38 ans, quand on lui a proposé de poser pour une série de photos inspirées par ce film mythique ?

L’inconnu l’effraie, "mais c’est bien"

« Le film est super », dit-elle, sans l’avoir revisionné pour autant avant d’accepter la prise de vue. L’œuvre d’Adrian Lyne est là comme une idée de départ. Une forme. À elle et au photographe, Cédric Bihr, il revient d’étayer le fond, en préparant, en travaillant. Seul le travail semble être la clé.

On lui a peut-être trop parlé de sa chance, et Lætitia sait que si on l’a choisie d’emblée pour sa beauté innée, la photogénie se travaille. Ce qu’elle entend avec un sujet sensuel comme ces photos-là, c’est qu’on ne lui demande pas d’être dans la représentation mais « dans la peau d’une femme qui vit une histoire d’amour à l’intérieur d’elle-même ». Travailler avec un photographe qu’elle ne connaît pas lui plaît toujours. Et en même temps, l’inconnu l’effraie, « mais c’est bien ». Le plateau est peut-être un terrain conquis qu’elle arpente depuis ses 15 ans, mais chaque séance reste pour elle une rencontre. On ne sait jamais si ça va marcher, « si la chose magique va se produire ». C’est un dialogue où on ignore si on aura des choses à se dire.

Elle veut montrer qu’elle ne cherche pas à être bonne élève, se moquant soudain de mon obéissance, de mon application. Je viens en effet de lui avouer avoir regardé 9 semaines 1/2 avant de la rencontrer. Mes souvenirs du film étaient trop lointains. Alors je lui demande sa définition du désir. Mais elle croit me voir venir, l’amalgame ? Le désir, donc les hommes ? Le personnage public ? Sa vie privée ? Et elle me renvoie brutalement dans mes buts : ce genre de questions, franchement… Elle se défend. Mais de quoi ? Elle vient de poser dans cette série, mais l’intime reste chasse gardée. Casta veut dire chaste, je crois. Me suis-je si mal exprimée ? Je veux des mots, et pas des noms. Des états, pas des définitions.

Une femme qui ne cherche pas à plaire

Il y a autant de désirs que d’hommes, c’est pas formaté entre les hommes », m’explique-t-elle, avant de me demander, toujours mécontente, « Et vous ? Si je vous demande ce que c’est le désir ? » Je lui réponds : « Il ressemble à un organe parfois dopé, parfois malade, parfois changeant. Est-il la tête, est-il le cœur, est-il l’âme, le sexe ou les yeux ? » Elle trouve « horrible » ce que je viens de dire mais, à son tour, elle confie que le désir, « c’est une pulsion animale, un truc d’instinct, c’est un élan, c’est se jeter d’une falaise, c’est la vie ». La bande originale de 9 semaines 1/2, You Can Leave Your Hat on, n’a-t-elle pas été reprise pour un strip-tease dans The Full Monty onze années plus tard ? Je n’ose plus poser ma question sur le burlesque. Ce n’est pas un jour où on rit. Internet devrait pouvoir me répondre.

Elle essaye en tout lieu de trouver une raison de sa présence. D’une journée de travail, d’une séance photo, elle veut qu’il ressorte quelque chose. Elle a envie que les gens soient satisfaits de ce qu’elle donne, d’autant qu’elle donne tout et ne veut pas leur faire perdre leur temps, mais elle n’est sûre de rien, dit-elle, « je n’arrive pas en me disant que je vais déchirer l’objectif ! J’ai le trac ». Je n’ose plus desserrer les dents, mais cet aveu généreux m’aide à me reprendre. Il me faut de la matière. Je ne vais quand même pas écrire qu’elle déjeune d’un thon, porte de ravissantes petites créoles et a un très joli blouson.

« La nuit, c’est pour nous deux, tu pourras voir tes amis la journée », lance Mickey Rourke à Kim Basinger. « Qu’est-ce que ça vous inspire ? » lui dis-je. « C’est dommage, me répond-elle. À midi, à minuit, qu’est-ce que ça change ? C’est pas parce que c’est la nuit que c’est le plus sexy ! » Elle éclate de rire. »


madame, 2016